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Le droit à la déconnexion dans les BIG 4 : un écran de fumée ?

La loi votée en Juin 2023 impose aux employeurs d’émettre une règlementation claire pour le respect du droit à la déconnexion. Néanmoins, la nature du travail et le rythme intense propre aux BIG 4 encourage-t-elle vraiment la déconnexion de ses salariés ?

 

ALEBA a mené l’enquête auprès des employés
de
deux BIG 4.

• Les employés se sentent-ils libres de se déconnecter en dehors de leurs heures de travail ?

M : Je n’avais pas l’impression, surtout dans la partie Advisor. En réalité on ne pouvait pas vraiment se déconnecter. Je ressentais une pression en permanence, je ne pouvais pas dire stop, même en arrêt pour accident de travail j’ai reçu un call à 20h pour savoir quand j’allais revenir, on vous fait ressentir que votre absence est un problème, il faut être disponible tout le temps. C’est aussi le piège de pouvoir gérer son temps comme on le veut… Au final tout le monde est tendu.

Pour ma part il n’est pas rare que je fasse des nuits blanches pour boucler un projet.

C : Cela dépend du client et de l'entreprise. Si l'entreprise demande à quelqu'un de boucler un projet important, cela signifie qu'il n'y a pas de déconnexion possible. Je me sens plus libre et réellement déconnectée quand je ne travaille pas, pendant mes jours de congé. Les gens qui ont des horaires décalés travaillent par roulement : s'il y a un besoin, ils restent... Le monde des services aux entreprises est ainsi fait...

 

•L'entreprise fournit-elle des outils et des ressources pour aider les employés à se déconnecter ?

M : Pas du tout. Je considère qu’à partir d’un moment où on vous donne un téléphone professionnel, on ne souhaite pas que vous vous déconnectiez. De cette façon on vous incite indirectement à vous connecter, alors que Teams est pour moi déjà bien suffisant comme moyen instantané. Tout est fait pour que l’ont reste le plus longtemps possible. On note des efforts dans l’aménagement des locaux pour rendre l’endroit agréable mais le problème persiste : devant un bureau ou sur un beau canapé dans de beaux locaux, c’est difficile de décrocher.

C : En ce qui concerne le matériel a proprement parler, nous disposons d'un deuxième écran pour plus de commodité à la maison. Nous organisons également des webinaires et des ateliers de sensibilisation.

 

• L'entreprise fournit-elle des formations sur la gestion du stress et la santé mentale ?

M : Oui, sous forme de forum en ligne, auxquels il faut… se connecter. C’est un écran de fumée dans les big 4 pour rassurer les futurs arrivants. L’image de l’entreprise est en décalage avec la réalité.

C : Nous avons généralement des after work à 17h30 qui nous obligent à nous déconnecter à la fin de la journée. Les workshops sur sur le bien-être ont du succès. Il y a également les semaines de sensibilisation à la santé mentale, différents workshops, dont certains pour reconnaître les signes précoces de l'épuisement professionnel.

 

•L'entreprise a-t-elle une culture de travail qui favorise la déconnexion ? Quel rôle ont les syndicats ?

M : On ne nous renseigne pas au sujet des syndicats, je n’ai entendu personne prononcer ce mot en 2 ans. On ne sait même pas vers qui se tourner surtout pour un sujet comme la déconnexion ou le bien-être, car tout est fait pour vous donner l’impression que tout va bien ! Pendant mon arrêt de travail, j’ai fini par faire un meeting avec mon équipe tant je me sentais coupable et personne ne m’a incitée à me déconnecter, mon manager encore moins. Il prenait de mes nouvelles 2 à 3 fois par semaine. De manière passive, la culture d’entreprise n’encourage pas à la déconnexion.

J’ai vu dernièrement sur les réseaux que mon entreprise faisait la promotion du droit à la déconnexion, mais ce n’est pas l’impression donnée, surtout quand on ne vous laisse pas déposer le laptop au bureau. Selon moi, tout a été mis en place pour que l’on reste au bureau le plus longtemps possible, avec beaucoup d’after-work, la cafétéria ouverte même le soir… Je trouve cela malsain. Si tout est sur place, on a plus vraiment de raison de sortir s’aérer. Personne ne penserai à joindre un syndicat pour parler de cela, car cela fait partie de la culture de l’entreprise.

Lorsque je rentrais chez moi je me connectais sur teams pour montrer que je restais disponible pour ceux qui restaient plus tard et travaillaient plus. Il n’est pas rare que je reçoive des sms pour demander où se trouve tel ou tel fichier… ce qui m’obligeais en quelque sorte à ouvrir mon ordinateur.

C: Pas vraiment. Par exemple, personne ne vous demande jamais si vous avez pris des congés. Mais j'ai remarqué qu'un effort a été fait sur l'aménagement des locaux avec des décorations en fonction des saisons. Une fois, nous avons même eu une fausse plage ! Ces décorations m'aident inconsciemment à me déconnecter et à faire une pause. J'ai passé de bons moments avec mes collègues.

 

En ce qui concerne les syndicats, je n'ai pas entendu parler d'eux. Mais je pense que le problème est d'ordre sociétal... Les entreprises n'ont pas les moyens d'embaucher plus de personnel... nous finissons donc par faire le travail de trois employés. Je fais tout ce que je peux pour aider mon équipe, mais en échange j'attends de la loyauté... mais comme je ne ressens aucune reconnaissance, j'ai l'impression de ne pas avoir ma place dans l'entreprise, c'est d'ailleurs pourquoi je pars. J'ai l'impression que depuis la période covid, les gens ont compris qu'ils n'étaient pas des esclaves... Malheureusement, il reste toujours se besoin de montrer que l'on travaille, que l'on fait des heures et que l'on reste tard. C'est de cette façon qu'on est mis en avant.

 

Enjeux législatifs, culture d'entreprise et manque d'espace accordé aux syndicats

 

En conclusion de cette interview éclairante sur le manque de déconnexion au sein des Big 4, il apparaît clairement que la culture d'entreprise joue un rôle prépondérant dans le maintien de cette problématique. Les pressions constantes liées aux délais serrés et aux exigences clients semblent s'inscrire dans l'ADN de ces grandes firmes, compromettant ainsi le bien-être des employés. 

Par ailleurs, l'absence de mise en avant des syndicats au sein de ces entreprises joue un rôle significatif dans la perpétuation de cette dynamique. Les salariés se retrouvent souvent isolés face aux exigences démesurées, sans le support ou la voix collective que les syndicats pourraient offrir.

 

Si vous vous reconnaissez, en tant qu'employé au sein des Big 4, n'hésitez pas à nous contacter en écrivant à info@aleba.lu.

L'ALEBA et ses coordinateurs sont là pour écouter vos préoccupations, vous informer sur vos droits, et travailler collectivement à l'amélioration des conditions de travail au sein de votre entreprise.

 

 

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